dimanche 8 février 2015

Comment rendre plus compétitive la finance islamique ?


Ce post ne prend pas en compte les hâdiths qui en général confondent zakat et sadaqa pour la raison simple qu'il n'y a pas de synonymie dans le Coran. La zakat est un impôt personnel qui est toujours associée à la Salat (prière) et fut révélée dès le début de la révélation. La sadaqa apparaît dans le Coran à partir de la 7ème année de l'hégire pour celle qui n'est pas obligatoire tandis que celle qui est obligatoire apparaît à partir de l'an 9.
Nous proposerons une idée basée sur le Coran afin de rendre les banques islamiques plus compétitives et réellement halal.
Tout d'abord, il faut rappeler qu'il y a deux types de sadaqat dans le Coran ; si le premier était facultatif, le second était obligatoire à partir de l'an 9 de l'hégire. Cette sadaqa obligatoire (attention à ne pas confondre avec la zakat, voir plus bas pour l'explication) devait être prise par l'état musulman pour la redistribuer aux 8 catégories de personnes conformément au Coran (9, 60).
L'idée proposée ici est qu'après avoir prélevé la sadaqa obligatoire pour la remettre à ces personnes et organismes, l'état musulman donne aussi à tous les organismes de prêts (dont les banques islamiques) à condition qu'ils renoncent aux intérêts. Pourquoi ? Parce que ces organismes font partie des huit catégories désignés dans le Coran. Développons :

1 Problématique :
Pour diverses raisons, les banques islamiques (à prêts sans intérêts) font payer un crédit (Mourabaha) plus cher que les banques traditionnelles (à prêts avec intérêts) pour l'achat d'un bien comme une maison ou une voiture.
Est-il possible de baisser les frais et les marges bénéficiaires que paient les clients aux banques islamiques pour les rendre plus compétitives ? 

1-1 Que dit Dieu dans le Coran au sujet des intérêts ?  

Selon cheikh Mohamed Bechir OULD SASS, l'interdiction du riba (intérêts) dans le Coran était progressive et a fait l’objet de 4 révélations (http://www.acerfi.org/articles/l-interdiction-de-l-interet-riba-dans-le-coran-une-approche-progressive_76.html) :

Dans l’ordre chronologique :

•          Sourate 30 Verset 39 (période Mecquoise) : «Tout ce que vous donnerez à usure pour augmenter vos biens au dépens des biens d'autrui ne les accroît pas auprès d'Allah, mais ce que vous donnez comme Zakat, tout en cherchant la Face d'Allah (Sa satisfaction)... Ceux-là verront [leurs récompenses] multipliées.»
(Pour les jurisconsultes musulmans, ce texte de période mecquoise se contente d’un « ordre passif » sous forme d’avertissement. Il attire de ce fait l’attention sur un phénomène jugé incompatible avec l’esprit de la solidarité que prône l’islam. Ce verset va être ainsi l’amorçage du long processus de l’interdiction du ribâ.)

•          sourate 4 ; verset 160-161 (période Médinoise) :
« C'est à cause des iniquités des Juifs que Nous leur avons rendu illicites les bonnes nourritures qui leur étaient licites, et aussi à cause de ce qu'ils obstruent le sentier d'Allah, (à eux-mêmes et) à beaucoup de monde, et à cause de ce qu'ils prennent des intérêts usuraires - qui leur étaient pourtant interdits - et parce qu'ils mangent illégalement les biens des gens. A ceux d'entre eux qui sont dénégateurs, Nous avons préparé un châtiment douloureux Alors que ceux d’entre eux qui sont bien enracinés dans la science et les vrais fidèles croient en ce qui t’a été révélé et en ce qui a été révélé avant toi ……à ceux-là nous garantissons une énorme récompense ».

•          Sourate 3 ; verset 130 :
« Ô vous qui portez la Foi, Ne pratiquez pas l'usure en multipliant démesurément votre capital. Et craignez Dieu afin que vous réussissiez !...»


•          Coran 2, du verset 275 à 279 :
275. Ceux qui mangent [pratiquent] de l'intérêt usuraire ne se tiennent (au jour du Jugement dernier) que comme se tient celui que le toucher de Satan a bouleversé. Cela, parce qu'ils disent : “Le commerce est tout à fait comme l'intérêt” Alors qu'Allah a rendu licite le commerce, et illicite l'intérêt. Celui, donc, qui cesse dès que lui est venue une exhortation de son Seigneur, peut conserver ce qu'il a acquis auparavant ; et son affaire dépend d'Allah. Mais quiconque récidive... alors les voilà, les gens du Feu ! Ils y demeureront éternellement
276. Allah anéantit l'intérêt usuraire et fait fructifier les aumônes (Sadaqa). Et Allah n'aime pas le mécréant pécheur.
277. Ceux qui ont la foi, ont fait de bonnes œuvres, accompli la Salat et acquitté la Zakat, auront certes leur récompense auprès de leur Seigneur. Pas de crainte pour eux, et ils ne seront point affligés.
278. Ô les croyants ! Craignez Allah ; et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire, si vous êtes croyants.
279. Et si vous ne le faites pas, alors recevez l'annonce d'une guerre de la part d'Allah et de Son messager. Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés.

Remarque :
Dieu dit dans le Coran :
« Allah anéantit l’intérêt usuraire et fait fructifier les aumônes » Sourate 2, verset 276.
Il paraît clair que Dieu nous donne la solution avec ce verset ; il faut remplacer les intérêts par les aumônes (sadaqat). Reste à savoir comment faire.

1-2 La différence entre les deux types de sadaqat :

Il y a deux types de sadaqat dans le Coran :
1.    L’une est une aumône personnelle non obligatoire dont le premier verset apparu est celui de l’après hégire dans le Coran (S.2, V.196) en l’an 7 (1). Les autres versets concernant cette sadaqa sont Coran (S.2 ; V.263, 264, 271,276, 280), Coran (S.4 ; V.92, 114), Coran (S.58, V.12, 13), Coran (S.5, V.45) et Coran (S.63 ; V.10).

2.    L’autre sadaqa est un impôt obligatoire collectif qui fut imposé à partir de l’an 9 selon Hichem Djaït. Les versets concernant ce type de sadaqa sont : Coran (S.9 ; V.58, 60, 79, 103, 104).
Dans l’ordre de révélation nous avons la sourate 2 qui est la 87ème, la sourate 4 qui est la 92ème, la sourate 63 qui est la 104ème,  la sourate 58 qui est la 105ème, la sourate 5 qui est la 112ème, et enfin la sourate 9 qui est la 113ème.  

Selon Hichem Djaït, « c’est en l’an 10 que des députations (wufud) de toute l’Arabie auraient afflué à Médine pour confirmer leur conversion et faire allégeance au Prophète. Entrer dans l’islam signifie faire la prière, verser l’aumône personnelle (zakat), laisser prélever ou prélever soi-même les sadaqat sur les troupeaux ou les cultures. La sadaqa instituée en l’an 9, est, dans les faits un impôt régulier, collectif et non pas personnel, dont le but, religieux selon le Coran est de « purifier » ceux qui donnent. » En note, Djaït écrit : « la foi, la prière et la zakat ont, depuis le début, défini l’islam. La zakat est une aumône purement personnelle, elle n’a rien à voir avec la sadaqa instituée à partir de l’an 9 sur les groupes, même si le Coran la justifie comme une « purification », ce qu’était aussi la zakat personnelle (IX, 103). » Puis, dans la note qui suit : « Les fuqaha, plus tard, ont confondu les deux notions de zakat et de sadaqa : Kitab al-Amwal, pp. 359 sq.et autres ouvrages de fiqh. » (2)
Tabari aussi rapporte que lorsque le Prophète apprit que toutes les tribus arabes avaient embrassé l’islam, il envoya en l’an 10 pour chaque tribu une personne chargée de recevoir la sadaqa pour le nouveau état musulman (3).
Par ailleurs, Hichem Djaït ajoute que suite à la mort du Prophète Muhammad et la succession d’Abu Bakr comme calife, la majeure partie des arabes apostasièrent et refusèrent de payer la sadaqa. Abu Bakr les combattit pendant un ou deux ans jusqu’à ce qu’ils se soumettent à l’état islamique et donnent les sadaqat (4). Ceci montre que cette sadaqa qui est décrite dans la sourate 9 était bien obligatoire et non facultative.
Tabari rapporte la même chose en ajoutant qu’en les soumettant à l’islam, ils durent payer la sadaqa mais aussi la zakat (5).
Muhammad Hamidullah précise que c’est bien l’état qui récolte puis redistribue la sadaqa conformément au Coran (9 ; 60) (6).

1-3 La sadaqa était prélevée sur quelles types de personnes ?
Selon Hichem Djaït, la sadaqa se prélevait au temps du Prophète Muhammad sur l’agriculture (cultures) et les troupeaux, alors que la zakat se prélevait sur l’argent (ou l’or) (7).
Muhammad Hamidullah précise que les troupeaux concernés étaient les chameaux, bovins et ovins. Le cheval était quitte (8).
Un point important à préciser : à propos de la sourate 9, verset 103-104 sur la sadaqa, Hamidullah dit que « le Coran ne parle point des catégories à taxer, ni des quantités d’impôts ; Dieu laisse à l’homme, à l’état, le soin de le déterminer et le réviser selon les besoins de la communauté, et les exigences des circonstances » (9).

1-4 A qui est destinée la sadaqa ?
« La sadaqa est destinée aux pauvres, aux indigents, à ceux qui le prélèvent, à ceux dont les cœurs sont à gagner [à l’islam], à l’affranchissement des jougs, à ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier d’Allah, et pour le voyageur (en détresse). » Coran (9,60)


1-4-1 Étudions la septième catégorie
La septième catégorie est « dans le sentier d’Allah ». Selon Muhammad Hamidullah, « Ce terme inclut toute œuvre de bienfaisance et de défense de l’Islam : les charités en faveur des veuves et des orphelins, les dons aux écoles et aux écoliers, les présents aux hôpitaux et aux mosquées, tout comme l’équipement de l’armée, la construction des travaux de la défense territoriale, etc. » (10).
C'est ici qu'il serait me semble-t-il judicieux de rajouter une œuvre de bienfaisance, un organisme prêteur d’argent qui renonce aux intérêts. N'est-il pas vrai qu'ils le font "dans le sentier d'Allah" ?

1-5 Comment remplacer concrètement les intérêts par les sadaqat ?

L'état musulman récolte la sadaqa des groupes de populations et sociétés de chaque ville du pays (comme le faisait le Prophète Muhammad) puis redistribue en forme de dons aux banques ou autres organismes qui ont prêtés à des gens ou sociétés des sommes d'argents sur plusieurs années en remplacement des intérêts. Car ces banques ou organismes en renonçant aux intérêts rentrent dans l'un des cas énumérés dans le Coran (9 ; 60) : ils l'ont fait pour plaire à Dieu, donc dans le sentier d’Allah. Le prêteur ou la banque renonce à recevoir de l'emprunteur de l’intérêt et en échange il reçoit de la sadaqa de l'état. Résultat tout le monde est gagnant, l’emprunteur qui économise la somme des intérêts et la banque qui en recevant la sadaqa de l’état bénéficie d’une marge assez importante pour gagner sa vie dans le halal.

Remarque : Les banques islamiques pourront baisser les frais et marges bénéficiaires pour être plus compétitifs face aux banques traditionnelles.

Reste à savoir si l'idée est viable.

Références :
(1) Ibn Ishaq, « La vie du Prophète Muhammad », éd. AlBouraq, 2001, Tome 2, p.310
(2) Hichem Djaït, « La vie de Muhammad. Le parcours du Prophète à Médine et le triomphe de l’islam », éd. Cérès, 2012, p.291
(3) Chronique de Tabari, « Histoires des Prophètes et des rois », éd. La ruche,  2009, p.589
(4) Hichem Djaït, op. cit., p.302-303
(5) Chronique de Tabari, op. cit., p.586
(6) Muhammad Hamidullah, « Le Prophète de l’Islam », éd. El-Najah, 1998, Tome 2, p.876
(7) Hichem Djaït, op. cit., p.291
(8) Muhammad Hamidullah, op. cit., p.875
(9) Muhammad Hamidullah, op. cit., p.874
(10) Muhammad Hamidullah, « Le Prophète de l’Islam », éd. El-Najah, 1998, Tome 2, p.883

1 commentaire:

maroc a dit…

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