dimanche 12 novembre 2017

L'école hypercritique en difficulté

L'exemple de Guillaume Dye




Depuis les travaux de Michel Cuypers ou Anne-Sylvie Boisliveau qui montrent qu'il y a probablement plus un rédacteur du Coran qu'un ensemble de rédacteurs, ainsi que les datations des manuscrits coraniques proches des dates de la révélation  (610-632), l'école majoritaire hypercritique est en difficulté même si ses défenseurs s'en défendent.

Sans même parler de Dieu comme source Divine du Coran, Guillaume Dye dans un article du livre "CONTROVERSES SUR LES ÉCRITURES
CANONIQUES DE L’ISLAM", exclut d'avance que le prophète soit l'auteur du Coran (comme le font les membres de son école d'ailleurs) pour la raison simple que tous leurs travaux tomberaient à l'eau :

"Naturellement, si l’on fait de Muḥammad l’auteur du Coran, ou si l’on fait du Coran le simple calque de ses paroles (autrement dit, le recueil de ses ipsissima verba), on exclut de l’étude du Coran la plupart des méthodes de la critique biblique."


De plus, Dye n'a d'autres choix que de prétendre que l'enchaînement harmonieux entre les fin des sourates N et les débuts des sourates N+1 ("le principe [N, N+1] fonctionnent dans 85,41 % des cas" dans les 50 premières sourates du Coran, "les cas où elle ne se vérifie pas s’expliquent en général très facilement" ) prouvent pour lui que c'est un travail de scribes qui ont rédigés le Coran après les dates supposées de l'apparition du prophète Muhammad (sws), vers la moitié du VIIème siècle (sans pouvoir donner l'étendue dans le temps de la rédaction à cause des manuscrits coraniques anciens).
Il affirme cela car l'ordonnancement des sourates de la plus grande à la plus petite, à quelques exceptions près, combinée avec leurs enchaînements harmonieux ne peuvent coller avec la chronologie des sourates, selon lui.
On voit bien là que l'aspect miraculeux du Coran est d'office écarté, on sait pourtant que l'ordonnancement à été établi sous l'ordre du prophète lui même comme le rapporte une tradition.
Or, selon M.-A. Amir-Moezzi :
En sus de quelques variantes orthographiques et lexicographiques mineures, 22 % des 926 groupes de fragments étudiés présentent un ordre de succession de sourates complètement différent de l'ordre connu
Et pourtant ces mots crochets (tels que "qul") existent dans les plus anciens manuscrits coraniques. Ceci prouve clairement qu'il n'y a jamais eu d'interpolations de ces mots crochets. Les ajouts des scribes de mots crochets pour coller entre les sourates N et N+1 est donc une simple hypothèse démentie par les faits.


En définitive ce que l'on pourrait reprocher à ces chercheurs c'est de nier systématiquement toute possibilité que la science ne puisse répondre de manière rationnelle à tout, et plus précisément à ce qui se présente ici bel et bien comme un miracle coranique. En d'autres termes que des données coraniques puissent échapper à la science des hommes.


EXTRAITS de Dye :


"Le classement des sourates selon un ordre de longueur décroissant est valable de manière générale, malgré quelques exceptions. C’est un ordre qui ne dépend pas du contenu des sourates. Ce classement s’accorde par ailleurs avec celui qui ordonne les sourates selon un système de mots-crochets et de phrases-crochets, rapprochant la fin, et parfois le début, de la sourate N, du début de la sourate N + 1. Or si l’on suppose que les sourates sont des compositions indépendantes, qui remontent, dans leur intégralité, à l'époque du Prophète (c’est-à-dire avant ce qu’il est souvent convenu d’appeler la collecte du Coran), comment se fait-il que deux classements qui n’ont en principe rien à voir (classement selon la longueur, ordre selon les phrases et mots-crochets des débuts et des fins des sourates), soient concordants ? Autrement dit, par quel miracle le début de la sourate N + 1 s’enchaîne-t-il harmonieusement avec la fin de la sourate N, alors même que les sourates se trouvent à peu près ordonnées des plus longues aux plus brèves ? L’explication la plus plausible est que ce sont les scribes à qui a échu la tâche de composer le Coran qui sont responsables de ces phrases-crochets, ce qui veut dire que les fins des sourates, et parfois aussi les débuts, ont souvent été ajoutés et rédigés au moment de la composition du Coran en un muṣḥaf. Un examen des passages concernés le confirme. On a affaire à des interpolations évidentes (Q 4:176 ; 22:78 ; 26:227 ; 48:29), et à d’autres qui le sont peut-être moins, mais dont on voit bien vite qu’elles entretiennent plus de relations avec le début de la sourate suivante qu’avec les versets qui la précèdent (Q 3:200). Ces passages sont souvent introduits par qul (« Dis : etc. ») : Q 11:108-109 ; 17:111 ; 20:135 ; 21:112 (qāla) ; 23:118 ; 25:77. On a là, à mon sens, un bon exemple du travail éditorial et rédactionnel des scribes – un travail qui ne se limite pas à replacer, avec plus ou moins de liberté, les « pièces d’un puzzle », mais à rédiger des versets et à mettre en scène une figure prophétique et un discours adressé au Prophète {472} . De ce point de vue, le rôle des scribes dans le travail de composition du Coran n’est peut- être pas moindre que celui des scribes qui ont composé les livres prophétiques de la Bible, même si la période entre la prédication de Muḥammad et la composition du muṣḥaf coranique est beaucoup plus brève.


Conclusion

Loin de nous conduire à admettre l’unité originelle du texte, les analyses de Cuypers nous montrent, et nous permettent de comprendre, le travail des scribes et leur rôle dans la rédaction du Coran. On peut penser que l’essentiel du texte coranique, en tout cas du ductus consonantique, est établi au cours de la seconde moitié du VII e siècle (il me paraît difficile de donner une date plus précise en l’état actuel de la recherche). Il s’agit donc d’un processus de composition plus long que celui indiqué par la tradition musulmane, selon laquelle les textes qui forment le Coran existaient tous à la mort du Prophète, même si (selon la plupart des traditions) ils n’avaient pas encore été réunis en un codex. Or le principal défaut des hypothèses de Bell et Blachère (à peu près systématiquement contestées par Cuypers) est qu’elles restent finalement très tributaires de l’image du Coran, et de son histoire, que donne la tradition musulmane. L’analyse rhétorique nous invite à voir les choses autrement. D’une part, en mettant en évidence l’intertextualité qui informe nombre de passages coraniques, elle renforce l’approche méthodologique qui consiste à lire le Coran, non d’après la « biographie » de Muḥammad, mais à la lumière des références à la littérature biblique, à savoir non seulement la Bible et les écrits pseudépigraphiques et apocryphes, mais également la littérature exégétique et homilétique chrétienne et juive (on pourrait aussi ajouter les textes manichéens), sans oublier bien sûr les traditions orales et populaires, plus difficiles cependant à étudier, puisqu’elles ont laissé moins de traces écrites. Cette approche en termes d’intertextualité, ou plutôt de « sous-texte », est un moyen assez sûr de replacer le Coran dans son contexte historique et littéraire."


En bonus le livre en question en pdf :

https://www.google.fr/url?sa=t&source=web&rct=j&url=http://laportedusavoir.fr/wp-content/uploads/2016/12/Controverses-sur-les-ecritures-canoniques-de-lislam.pdf&ved=0ahUKEwir5smayLnXAhXCfxoKHYyRA8kQFggeMAE&usg=AOvVaw27qilepPOhl0LUp9GxG3aW

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